Résumé
La fraternité des intellectuels français antifascistes s’incarne pendant l’hiver 1936-1937 dans un projet sans précédent : la revue Commune propose en décembre un numéro spécial et la traduction de 24 poèmes espagnols publiés, depuis Madrid assiégée, dans El Mono Azul, publication destinée au front. Cette traduction d’urgence, réponse et écho à la poésie-action de guerre, se développe ensuite en une anthologie en février 1937, Le Romancero de la guerre civile. La lutte solidaire et intellectuelle, sur le front de la traduction, porte sur une forme traditionnelle de l’épopée espagnole, réactivée par les événements : le romance. Or, les contraintes temporelles, la nature du « devoir de traduction », et la double nécessité de provoquer la mobilisation immédiate et de donner au combat en cours une portée universelle et atemporelle, provoquent une transformation du corpus traduit. L’analyse des poèmes de la rubrique « Romancés historiques » met en évidence les altérations, mutations et inflexions apportées à l’épopée espagnole, dans une hétérogénéité liée à la pluralité des voix réunies par cette action militante.