Résumé
Les répercussions des bouleversements politiques, notamment en Égypte après 2011 et ailleurs dans le monde arabe, ont donné naissance à une structure supra-monopolistique des systèmes de production musicale et des plateformes de streaming, reflétant les stratégies politiques postrévolutionnaires dans un contexte de restauration autocratique dans toute la région. Si l'ère numérique a initialement offert une plus grande liberté et créativité à une « classe dissidente médiatisée » en plein essor et aux courants musicaux contre-culturels, les stratégies post-2013 ont de plus en plus instrumentalisé les plateformes numériques pour imposer un contrôle autoritaire et restreindre l'expression musicale. Parallèlement, les réseaux sociaux, devenus essentiels pour la médiation, la promotion et le marketing musicaux, ont reflété les polarisations sociales et politiques plus larges qui ont émergé après 2013.
Cet article vise à examiner la scène musicale numérique ultra-contemporaine en Égypte dans ce contexte socioculturel plus large. Comment les producteurs des courants indie, mahragānāt et electroshaabi ont-ils contourné la censure institutionnelle, les impositions autoritaires et les divisions sociales ? Dans quelle mesure ont-ils conservé leur indépendance par rapport à la musique pop mainstream et sont-ils progressivement devenus partie intégrante de ces courants dominants ?
Je soutiens dans cet article que la monopolisation des systèmes de production et de distribution musicales, ainsi que les réglementations structurelles soutenues par l'État régissant les espaces de médiation musicale, ont repris sous une forme numérique, dans le cadre d'efforts plus larges visant à contrôler et à contenir les mouvements sociaux controversés sur les réseaux sociaux. Ce paysage en pleine évolution remet en question les dichotomies traditionnelles – telles que pop contre underground, numérique contre physique, commercial contre indépendant, et local contre mondial – dans un cadre culturel défini par les tendances du remix, les positionnements sociopolitiques confus et le contrôle concentré de l'industrie musicale numérique.
