Résumé
Cet article examine la manière dont Abou Leila (2020) d'Amin Sidi Boumédiène cristallise la tragédie algérienne des années 1990 à travers le récit d’une quête de vengeance qui « répète une scène de crime » en la déployant à l'échelle du vaste territoire algérien. La poursuite par deux policiers (délestés de leur uniforme) d'un terroriste chimérique, nommé Abou Leila, semble devoir assouvir un désir de vengeance « nationale » contre des crimes demeurant aujourd'hui encore impunis. La folie meurtrière qui en résulte raconte l’aliénation de tout un pays en prise avec une guerre fratricide. Répétant le crime, le film de Sidi Boumédiène dilate et concentre l’espace et le temps, brouille nos repères, confond le vrai et le faux, le réel et le fantasme, l’humain et la bête et, convoquant le mythe ou la fable, fait face aux images manquantes de la décennie noire algérienne.