Résumé
Que peut révéler la lecture de la carte ou du plan d’une ville ? La question peut paraître banale, voire sans objet autre que celui de pouvoir connaître les lieux, les rues et les places en vue de s’orienter et de maîtriser, ou de s’approprier, l’espace urbain. L’ingénieur-cartographe Jacques Keilo se livre, à travers son article, à une lecture minutieuse des cartes de la ville de Beyrouth à la recherche de signifiants toponymiques renvoyant à l’histoire des religions qui se sont installées dans l’espace urbain de la ville, ou qui y sont commémorées. Mais son regard n’est pas seulement topique, il n’identifie pas uniquement de tels signifiants et les systématise. Il prend également en considération le « temps » de la ville et son histoire. Son regard adopte alors une perspective dynamique sur les longues durées. L’ensemble donne à son article une double valeur, celle du témoignage et celle du message que transmet, dans sa chair pourrait-on dire, la capitale libanaise. Paradigme de la ville ouverte par excellence, Beyrouth demeure imperméable dans ses toponymes à toute homogénéïsation, à toute « épuration ». Elle conserve dans ses rues et ses places, en dépit des aléas de l’actualité violente, la mémoire du vivre-ensemble libanais.