La mémoire comme ressource et enjeu de lutte dans les documentaires syriens de l’après 2011

 

Nicolas Appelt

Université de Genève

 

 

Abstract : Dans la création cinématographique syrienne, essentiellement documentaire, échappant au contrôle du régime, la mémoire occupe une place importante dans la représentation du conflit qui déchire le pays. A partir de trois films documentaires syriens tournés après 2011 – Houses without Doors, 194, nous les enfants du camp et The Taste of Cement –, il s’agira de mettre en perspective comment la mémoire, d’un côté, est mobilisée comme une ressource pour (se) représenter le conflit, y compris après avoir quitté la Syrie, et comment, d’un autre côté, elle constitue un enjeu pour se réapproprier le récit de ce conflit, dans un contexte où le régime cherche à imposer le sien.

 

Mots-clés : Syrie – documentaires – conflit – mémoire – post-2011.

 

 

 

Dans une séquence de son documentaire 194, Nahna, wlad al moukhayyam (194, nous les enfants du camp, Samer Salameh, 2017, Syrie/Liban), le réalisateur s’introduit dans l’appartement, déjà en partie ravagé, de son ancien professeur qui l’a sensibilisé au théâtre et à la poésie. Le domicile de l’enseignant est situé dans le camp palestinien de Yarmouk, quartier de la banlieue de Damas, où réside également le jeune homme. Alors que l’appartement a été abandonné par son occupant, le réalisateur se lance dans la recherche d’images ou d’objets à emporter avec lui dans l’optique de construire une mémoire du mouvement de révolte puis du conflit, replaçant cette mémoire dans un contexte historique plus large. Sortant une bobine de film de son boîtier métallique, il la déroule frénétiquement, comme si son salut en dépendait, et la tire à travers l’appartement. Symbole du cinéma, la pellicule qui s’amoncelle sur le sol est filmée en gros plan. Alors que le réalisateur est sorti de l’appartement, elle continue de défiler horizontalement. Mais les images imprimées sur cette pellicule, fil d’Ariane, guidant le réalisateur dans les méandres des mémoires – individuelle et collective – davantage que dans les ruelles du camp qu’il connaît par cœur, se révèlent inutiles. A ce moment de son film, le réalisateur introduit en effet par le truchement du montage une coupure spatio-temporelle sous la forme d’une ellipse. Le plan suivant donne sur l’intérieur d’un RER à Paris, au moment où il croise une autre rame. La séparation d’un wagon à l’autre, marquée par des lignes de couleur ainsi que par le rouge des portes, fait alors écho aux scansions de la bobine d’une image à l’autre. Par le montage et l’insistance sur le motif de la bobine – support de la mémoire – le réalisateur adopte une démarche réflexive qui consiste à construire la mémoire du conflit en cours et qui interroge, en révélant sa propre fragilité, les limites du cinéma. Bien que les images qu’elle contient n’apparaisse pas dans le documentaire, la bobine de film devient le lien entre « la mémoire et l’archive […] par leur fonction d’entrepôt de données, d’indices, d’images ou de signification »[1]. Ce procédé de Samer Salameh qui détourne la pellicule de sa fonction d’archive potentielle participe d’un processus de remise en cause, non pas de l’archive, mais de son rôle dans la construction de la mémoire[2]. Et, par ce geste, il interroge sa pratique de réalisateur. Contribuant à un important mouvement qui inscrit les pratiques de prises d’images dans les mouvements de révolte, puis du conflit, la question de la mémoire constitue un enjeu central dans plusieurs documentaires syriens tournés après 2011 hors des instances officielles du régime. A l’instar de l’œuvre de certains écrivains algériens de la « décennie noire » (années 1990), qui avaient adopté le genre du témoignage, ces documentaires « viennent conjurer la disparition à venir : c’est d’un monde qui semble s’effondrer qu’il faut attester, comme promesse de l’avenir »[3], et ce même s’ils n’ont pas forcément été pensés ainsi à l’origine. Sans réduire ces documentaires à leur seule dimension de témoignage genre avec lequel ils prennent leur distance, celui-ci, « pour être d’actualité, n’est pas moins pensé en fonction d’un futur antérieur »[4], c’est-à-dire que les réalisateurs se réfèrent, dans le témoignage, à ce qu’il comporte d’ores et déjà de mémoire – personnelle ou collective, voire les deux – pour construire celle du conflit en cours.

La présente contribution traitera donc de la façon dont la question de la mémoire est intégrée dans le travail documentaire à travers trois films syriens – 194, nous les enfants du camp de Samer Salameh, The Taste of Cement (Ziad Kalthoum, 2017, Allemagne/Liban/Syrie/Emirats Arabes Unis/Qatar), Manazil bela abwab (Houses without Doors, Avo Kaprealian, 2016, Syrie/Liban) – et, selon une double dimension. La mémoire – tant individuelle que collective – constitue une ressource pour (se) représenter le conflit qui déchire la Syrie, de même que la construction de la mémoire du conflit constitue une forme d’appropriation de son récit, y compris par des réalisateurs qui ont fui leur pays. Après être revenu sur le choix et les caractéristiques de ces trois documentaires, il s’agira dans un premier temps de les replacer dans un contexte plus large – autres époques et autres problématiques liées aux images, fixes ou animées – afin de mettre en exergue certaines spécificités par rapport à la problématique de la mémoire. Puis, dans un deuxième temps, une analyse séparée de chaque film permettra de montrer leur singularité par rapport à la double dimension de la mémoire susmentionnée, laquelle est à la fois la ressource et l’enjeu dans l’appropriation du récit du conflit. D’un point de vue méthodologique, notre hypothèse, sur cette double fonction de la mémoire dans les documentaires, sera par le prisme de leurs dispositifs et illustrée par certaines séquences particulières, avec une attention portée aux choix de réalisation, au cadrage, au montage, ou encore de recours à la voix-off. Le terme « dispositif » renvoie à la définition de Pierre Maillot, soit à une dimension éthique qui, comme cela apparaîtra ci-dessous, occupe une place centrale dans les trois documentaires retenus :

« Le dispositif est l’ensemble des principes au nom desquels le documentariste choisit ce qu’il fait voir/entendre (pro filmique) et la manière dont il le fait (filmique). Le dispositif exprime l’éthique du documentariste et construit l’esthétique du documentaire, au sens plein du terme, c’est-à-dire non pas seulement la beauté de l’œuvre, mais sa forme. »[5]

           

Le choix de ce corpus peut sembler restreint au vu des quelques dizaines de documentaires tournés en dehors des instances du régime depuis 2011. Les trois films retenus sont cependant représentatifs de cette création cinématographique par plusieurs aspects qu’il convient d’énumérer brièvement. Emanant de réalisateurs qui évoluaient en marge de la création cinématographique officielle avant le mouvement de révolte de 2011 ou qui ont investi ce champ dans la foulée, les documentaires ont été tournés, pour la plupart d’entre eux – et c’est le cas, en particulier, de 194, nous les enfants du camp et Houses without Doors – avec des moyens extrêmement limités et des équipes réduites au maximum, parfois au seul réalisateur. Les trois documentaires sont en outre de bons exemples de l’externalité qui caractérise tant la (post-)production que la circulation de documentaires syriens d’après 2011 en général. Bénéficiant du soutien financier de structures se trouvant principalement à Beyrouth, à l’instar de Bidayyat ou de l’Arab Fund for Art and Culture (AFAC), la diffusion en est assurée via leur présentation dans des festivals à travers le monde, ou dans d’autres manifestations culturelles[6], voire lors d’événements type festivals consacrés à la Syrie. A cet égard, la distribution en salles dont a bénéficié The Taste of Cement (France, Allemagne, Suisse pour l’Europe) fait figure d’exception. Les trois films choisis sont représentatifs de la place attribuée à leurs réalisateurs. Dans les années 2000, l’adoption d’un ton personnel centré sur les individus ne s’était développée que dans des expérimentations vidéo marginales[7], et le « je » n’y apparaissait pas encore de manière explicite. Selon le metteur en scène et chercheur Ziad Adwan qui a enseigné à l’Institut supérieur des arts dramatiques de Damas, ce « je », dont celui porté par les réalisateurs, demeurait dissimulé, jusqu’à leur départ de la Syrie[8]. Bien que certains documentaires restent anonymes pour garantir la sécurité de leurs auteurs, la présence des réalisateurs se manifeste par leur intervention dans le profilmique, c’est-à-dire, selon la définition de Pierre Maillot, par leur présence devant l’objectif de la caméra lors de la prise de vue (194, nous les enfants du camp), ou comme interlocuteur restant hors-champ (Houses without Doors). Leur présence peut également être assurée par le recours à la voix-off qui n’est pas synonyme d’omniscience, mais qui correspond davantage à l’« expression de doutes »[9] comme dans 194, nous les enfants du camp. Par ce moyen, les réalisateurs, à la fois narrateurs et monstrateurs[10] – ceux qui captent les images –, recourent à la voix-off ou « voix-je », puisqu’il s’agit de leur propre voix, pour partager une part de leur intimité à travers la « restitution d’un état d’esprit, d’une émotion »[11]. L’emploi du « je », le recours à la « biographie », deviennent ainsi importants dans la mesure où « c’est à partir d’elle [la biographie] que le travail de la mémoire commence »[12]. Dans les trois films choisis, les réalisateurs se réfèrent à une mémoire personnelle et familiale liée à des événements historiques – le génocide des Arméniens, les exils successifs des Palestiniens depuis 1948 et la guerre civile libanaise (1975-1990) – afin de construire celle du conflit qui déchire leur propre pays. En ce sens, la lecture de Bergson que fait Jean-François Bayart est particulièrement éclairante. Il nous rappelle en effet que, selon le philosophe, « la durée n’est pas un facteur objectif et général », mais correspond à un « acte, propre à chacun », si bien qu’elle « constitue un régime complexe de conscience politique »[13]. Dans cette perspective, la mémoire n’est pas réductible à un « simple appendice de l’historicité », mais « en est le ressort », car « “conscience signifie d’abord mémoire”, c’est-à-dire “conservation et accumulation du passé dans le présent”, et simultanément “anticipation de l’avenir”[14] ». On retrouve donc ici les deux dimensions de la mémoire qui font l’objet de notre hypothèse : à la fois ressource et enjeu dans la construction du récit du conflit.

Afin de mieux saisir cette double dimension qui marque les documentaires en question, il importe de les confronter avec d’autres cas où la mémoire est également mobilisée pour construire le récit d’une tragédie historique. Premièrement, contrairement à ce qui est le cas, par exemple, dans le travail du réalisateur cambodgien Rithy Panh, où le cinéma constitue une « expérience de l’Histoire »[15], les réalisateurs des trois films qui nous occupent sont partis prenants du conflit en cours en Syrie. Deuxièmement, là où la représentation des génocides arménien et cambodgien se caractérise par une « absence d’images »[16], en Syrie, comme le souligne Cécile Boëx, aucune autre révolte et aucun conflit antérieur n’ont fait l’objet d’une telle documentation « par ceux qui sont en prises directes avec l’événement » avec comme volonté, pour certains, « de rétablir les faits, niés par la version officielle, qui prétend à un complot et qui qualifie les manifestants de terroristes islamistes »[17]. Toutefois, elle relève un effet paradoxal de ces centaines de milliers de vidéo mises en ligne majoritairement sur YouTube, car elle produisent un « effet de masse » qui entraîne un « obstacle à la visibilité »[18]. Le terme « écran », compris « au double sens du mot », est bien « ce qui affiche, et ce qui cache »[19].

Cette deuxième particularité des documentaires syriens d’après 2011 renvoie à l’éthique des réalisateurs, dans la mesure où les risques inhérents aux conditions de tournage limitent les possibilités de prises d’images (« Comment filmer sans se mettre en danger ? »[20]) et amènent des questionnements sur ce qu’ils peuvent ou doivent montrer notamment de ce dont ils n’ont pas été témoins (« Mais comment montrer ce qu’on ne voit pas ? »[21]). Face aux possibilités démultipliées de combler les « images manquantes » qu’eux-mêmes n’auraient pas pu filmer à travers des technologies (smartphone, réseaux sociaux, plateformes d’échange, …) disponibles auprès du plus grand nombre, on peut s’interroger si les trois réalisateurs ne se trouvent pas dans une position décrite par Georges Didi-Huberman. Dans son travail consacré aux « quatre photographies arrachées à Auschwitz par les membres du Sonderkommando »[22], celui-ci soutient que l’on demande soit trop aux images – dire toute la vérité, alors qu’elles sont « inexactes », car elles ne permettent pas de comprendre l’entier de la situation, et « inadéquates » – soit trop peu en les reléguant au rang de documents, coupés de leur « spécificité » et de leur « substance »[23]. Dans tous les cas, comparés à la démarche de Rithy Panh, les trois réalisateurs recourent à la « puissance imageante du manque » qui nous pousse à « imaginer ce que nous ne pouvons voir »[24] à travers des dispositifs qui confèrent à leur film une dimension de « fabrique de la mémoire »[25], non pas d’événements passés, mais d’un conflit auquel ils sont confrontés. Cette « fabrique de la mémoire » portée par les trois documentaires correspond à l’élaboration d’un récit, à la première personne, qui conteste « le monopole de l’interprétation des faits selon une trame narrative immuable », telle que le régime syrien se l’était arrogée[26].

Ce cadre général dressé, il convient d’expliquer comment chacun des trois documentaires s’empare de la mémoire à la fois comme ressource pour comprendre le conflit et comme enjeu dans l’appropriation du récit du conflit.

 

La mémoire pour combler l’absence de témoignage

Au début du mouvement de révolte, Avo Kaprealian a essayé de comprendre à travers les images qu’il captait, les raisons pour lesquelles la ville d’Alep ne connaissait alors pas les mêmes élans de manifestations que d’autres villes en Syrie. Placé dans l’impossibilité de filmer dans l’espace public suite à son arrestation à l’issue de laquelle l’ensemble de son matériel a été saisi, Avo Kaprealian a tourné Houses without Doors en partie depuis le balcon de son appartement, situé à Alep dans le quartier de Midan. Face à ces contraintes, le réalisateur adopte un dispositif qui lui permet de questionner le rôle de témoin à deux niveaux. Il interroge son rôle de témoin « empêché » qu’est le sien, qui ne peut filmer le conflit qui se déroule dans sa ville ainsi que sa pratique qui consiste à enregistrer les témoignages de ceux qui en ont vécu la violence. Ce double questionnement sur le témoignage l’amène à recourir à la mémoire familiale liée au génocide des Arméniens pour comprendre le conflit en cours, dans une démarche qui rappelle la conception développée par Jean-François Bayart.

D’un point de vue formel, les tremblements de la caméra qui se déplace nerveusement, tout comme l’utilisation volontaire d’une lentille endommagée qui empêche l’image de se focaliser, traduisent l’impossibilité d’enregistrer les événements liés au conflit, donc d’en construire la mémoire, même lorsqu’il se rapproche de plus en plus de son propre immeuble[27]. Les procédés auxquels recourt Avo Kaprealian expriment son impossibilité d’être un témoin du conflit à travers les images filmées :

thus, it [l’utilisation de la lentille endommagée] emphasizes the weakness of the vision, a permanent lack of clarity and understanding of what is filmed, regardless of the fact that the filmmaker is there, on site, witnessing the destruction of his own country live.[28]

 

Le réalisateur poursuit une démarche réflexive quant à la possibilité de comprendre le conflit et de construire la mémoire par le biais de témoignages. Côtoyant des déplacés syriens de l’intérieur qui ont trouvé refuge dans une école en face de chez lui, le réalisateur désamorce les possibilités de recueillir leurs témoignages, comme si son éthique l’empêchait à la fois de leur assigner un rôle les obligeant à revivre des événements traumatiques, et de créer un écart avec eux « découlant de la profonde incompréhension propre à l’acte même de vouloir comprendre et saisir, ce qui, par définition, ne se résume pas »[29]. Ainsi, dans une séquence filmée au milieu de la cour de l’école située en face de son immeuble, Avo Kaprealian recourt à des mouvements rapides de caméra qui se déplace entre ces réfugiés de l’intérieur, en évitant des cadrages trop serrés et des plans fixes sur les personnes, comme si finalement elles échappaient à sa caméra et à leur rôle de témoin. De même, les séquences où Ahmed, un jeune garçon figurant parmi ces réfugiés de l’intérieur, est volontairement placé dans une position de témoin, c’est-à-dire face à la caméra et cadré en plan rapproché, se révèlent des échecs du point de vue de la constitution d’un témoignage portant sur les événements du conflit. Dans plusieurs séquences, les images montées sans le son, avec par moment le jeune Ahmad qui s’esclaffe, expriment l’impossibilité pour le réalisateur de placer cet enfant dans un rôle de témoin, face à sa caméra alors que lui-même reste hors-champ, dans la mesure où cette démarche accentuerait l’incompréhension entre eux.

Face à cette double interrogation quant au rôle du témoin, Avo Kaprealian recourt à sa propre mémoire et sa mémoire familiale pour tenter de s’approprier le récit du conflit et, par conséquent, de contribuer à en écrire la mémoire. Le recours à la mémoire s’exprime au niveau du montage par l’utilisation d’extraits de films de natures diverses (images d’archives, d’actualité ou de fictions) en l’occurrence, non pas tant comme des archives, mais pour établir des rapprochements qui permettent, aussi bien à lui-même qu’au spectateur, de comprendre le conflit[30]. Dans une démarche qui s’apparente à celle de Rithy Panh, Avo Kaprealian élabore « un espace de sens commun que le cinéma rend possible ». Il se détourne des archives, y compris celles qui correspondraient aux témoignages recueillis devant sa caméra, répondant « au désir vicieux de la preuve – prouver et encore prouver que “quelque chose” de terrible et de désastreux a bien eu lieu »[31]. Ce faisant, par le biais du montage, les images qui y sont rapprochées constituent des « formes visuelles de la pensée qui élaborent du sens là où précisément il y a eu acte d’anéantissement »[32], en l’occurrence des destructions provoquant l’exode de populations civiles. C’est à travers ces « formes visuelles de la pensée », élaborées en partie sur la mémoire de sa famille qui s’est réfugiée à Alep en 1915 pour fuir le génocide, qu’Avo Kaprealien s’approprie le récit du conflit syrien, c’est-à-dire l’élaboration de sa mémoire.

Concrètement, par l’entremise du montage, les images du jeune Ahmed filmées par le réalisateur côtoient l’extrait d’une scène de tuerie tellement excessive qu’elle en devient l’absurde, tirée d’El Topo (Alejandro Jodorowsky, 1970), western qui s’inscrit dans une veine surréaliste. Le montage permet au réalisateur de (se) représenter les épreuves terribles traversées par l’enfant qui se trouve dans le champ de sa caméra et de se rapprocher de lui, alors que le recueil de son témoignage aurait accentué l’écart entre eux. Il (se) représente ainsi l’innocence perdue de son jeune compatriote en intégrant dans son film cette séquence du western d’Alejandro Jodorowsky où le petit garçon tient un revolver qui semble démesurément grand entre ses mains, avec lequel il doit achever un homme agonisant sur le sol. Brutale, aveugle et absurde, cette violence fait écho à celle, découlant de la répression brutale et systématique instaurée par le régime.

Ces images totalement différentes qui s’expliquent mutuellement prennent une autre dimension qu’apporte, dans la perspective de la conscience comme mémoire, le recours à la mémoire familiale du réalisateur, descendant d’Arméniens ayant trouvé refuge à Alep. Le réalisateur opère, en vue de comprendre la situation des individus qu’il filme, un parallèle entre le massacre des Arméniens et les horreurs subies par les réfugiés de l’intérieur qui ont trouvé un abri sûr dans son quartier. Dans une séquence filmée depuis le balcon du réalisateur, apparaît un vieillard qui avance péniblement dans la rue en contrebas de l’immeuble. La durée du plan fixe renforce l’impression que la démarche du vieil homme est freinée par un fardeau, tant il marche avec peine. A ces images, est ajouté un extrait d’un monologue de plusieurs minutes provenant du film Mayrig (Henri Verneuil, 1991), durant lequel un des personnages du film se remémore à voix haute les supplices subis par les Arméniens durant le génocide de 1915 perpétré par les Ottomans. En utilisant le montage son pour recourir à sa mémoire familiale, le réalisateur crée une des « formes visuelles de la pensée » dont émerge sa compréhension du conflit syrien, la possibilité de se le représenter et d’en écrire la mémoire.

 

La mémoire pour (se) représenter le conflit au-delà des frontières syriennes

Le réalisateur Ziad Kalthoum place la question de la possibilité de se représenter le conflit après avoir quitté la Syrie au cœur du dispositif de son film The Taste of Cement. Dans ce documentaire tourné auprès d’ouvriers syriens du bâtiment à Beyrouth, la frontière entre les deux Etats fait office de miroir, de sorte que les situations vécues par les hommes sur le chantier du gratte-ciel répondent de façon inversée à celles se déroulant dans leur pays. Construisant des immeubles à Beyrouth, ils sont témoins à distance des destructions des villes syriennes dont ils viennent. Ce dispositif en miroir renvoie donc à un cycle construction/destruction qui permet au réalisateur de représenter le conflit qui déchire la Syrie dans et par le quotidien de ces ouvriers. Ainsi dans une séquence en particulier, le montage parallèle permet la « mise en relation des travaux de reconstruction de la capitale libanaise avec la machine de guerre qui détruit les villes syriennes »[33]. Entre les plans successifs sur lesquels on voit les ouvriers à l’œuvre sur le chantier, « leurs gestes saisis sous des angles de prise de vue multiples », des images filmées depuis l’intérieur d’un char d’assaut en caméra subjective sont insérées[34]. A la grue qui tourne dans le ciel de Beyrouth succède la tourelle du char d’assaut[35] qui pivote dans une ville fantôme de Syrie en ruines, l’une participant à l’édification d’une ville et l’autre à sa destruction. On relève dans cette séquence une accélération du rythme d’alternance entre les plans renvoyant à la construction et ceux à la destruction, de sorte qu’une « harmonie déconcertante » se crée entre les « ambiances sonores qui s’entremêlent »[36], avec celles du chantier et les autres du char en démonstration dans la ville fantôme. Enfin, la poussière sur le chantier à Beyrouth provenant de la scie circulaire renvoie à celle provoquée par les tirs du char. Dans la séquence d’un bombardement nocturne filmée à Alep, l’usage du ralenti permet de mettre en exergue la poussière blanche en suspension dans la noirceur de la nuit.

La présence du conflit sur le chantier est également représentée à travers les images que les ouvriers contemplent, plongés dans l’obscurité, les yeux rivés sur les écrans de télévision ou de smartphone. Filmés en très gros plans, les yeux de ces hommes reflètent les images terribles de destruction, leur conférant ainsi une dimension obsédante, dont ils ne peuvent se débarrasser, comme le goût du ciment que gardent les Syriens quel que soit le côté de la frontière où ils se trouvent, ainsi que le précise la voix-off. Les images du conflit poursuivent les ouvriers jusque dans leur sommeil, comme l’indique le plan fixe sur un jeune homme, couché sur le dos, avec, en surimpression quatre bombes qui tombent, après avoir été larguées d’un hélicoptère[37]. Si le réalisateur tente de continuer de se représenter le conflit qui s’impose aux ouvriers qu’il filme, le recours à la voix-off permet de mettre en exergue une histoire commune de la Syrie et du Liban, l’une ayant été impliquée dans la destruction de l’autre au moment de la guerre civile, puis dans sa reconstruction à travers des ouvriers, avant de sombrer dans une phase de destruction.

Cette mémoire commune entre les deux pays voisins est portée, entre autres, par la voix-off – s’agit-il d’un récit en partie autobiographique du réalisateur qui récite le texte, d’un mélange de récits recueillis auprès de ces ouvriers ou encore le résultat des deux ? –, qui apporte une compréhension plus précise de ce cycle construction-destruction. En effet, après son départ précipité de Syrie, le narrateur, un jeune homme travaillant en tant qu’ouvrier sur un chantier à Beyrouth, s’adresse à son père, lui-même ouvrier du bâtiment lors de la reconstruction du Liban après la guerre civile. Marchant dans les pas de son père, il revit, pour des raisons différentes, ce que celui-ci a enduré des années auparavant, sans pour autant pouvoir imaginer de rentrer en Syrie y bâtir sa propre maison. Enfin, la voix-off contribue à inscrire une mémoire individuelle dans l’histoire partagée des deux Etats dont les liens perdurent au-delà des frontières et des époques, fussent-elles des périodes de conflit. Aussi, à travers l’évocation des souvenirs d’enfance du narrateur liés à la mer, que les ouvriers voient depuis le chantier, et la dimension générationnelle qu’elle porte, la voix-off donne un relief supplémentaire aux motifs qui symbolisent à la fois la mémoire de la guerre civile qui hante le Liban et celle du conflit syrien. Dans un plan en contre-plongée de deux immeubles dans la capitale libanaise reliés par un « panoramique horizontal à 180° »[38], le cycle destruction/construction est repris dans une perspective historique, avec l’un des deux bâtiments visiblement délabré et abandonné, tandis que l’autre est un gratte-ciel flambant neuf. La présence syrienne au Liban inscrite dans ce plan recouvre les deux pans de ce cycle. Cette présence se retrouve dans la séquence sous l’eau où apparaît un char d’assaut filmé qui symbolise la mémoire enfouie de la guerre civile libanaise dans laquelle la Syrie a été impliquée, tandis que celle où le char de fabrication russe effectue une démonstration dans une ville syrienne en ruines représente la violence inouïe qui s’abat sur le pays.

A travers le dispositif adopté par Ziad Kalthoum qui y accorde une place importante à la voix-off, la seule à s’exprimer dans le film par ailleurs, la double dimension de la mémoire se retrouve donc à la fois comme ressource permettant d’inscrire le cycle construction/destruction dans une histoire commune entre le Liban et la Syrie qui s’incarne dans les ouvriers du bâtiment, que comme interrogation sur la façon de s’approprier le récit du conflit, après avoir franchi la frontière.

 

Affirmation d’une mémoire contestataire

La double dimension de la mémoire est présente dans le documentaire de Samer Salameh, 194, nous les enfants du camp sous une forme plus ouvertement contestataire que dans les deux autres films présentés. La mémoire est en effet un enjeu dans la contestation de la « trame narrative immuable » de la cause palestinienne, instrumentalisée par le régime, ainsi que dans la lutte pour élaborer le récit de la révolte. Précisons d’emblée que le titre du documentaire exprime une filiation avec l’histoire des Palestiniens en Syrie ancrée dans un lieu emblématique. Le chiffre « 194 » présente la résolution de l’Organisation des Nations Unies du 11 décembre 1948 dont l’article 11 aborde la question du Droit au retour des Palestiniens suite à la Nakba comme le fondement d’une histoire dont les enfants légitimes, revendiquent à la première personne (« nous ») la réappropriation de la mémoire. Celle-ci est rattachée à un lieu revêtant une dimension mythologique, qualifié de « labyrinthe éternel de l’identité ».

Avant de montrer à travers deux séquences comment elle apparaît comme un enjeu de lutte dans la réappropriation du récit de la révolte, il convient de revenir sur la façon dont la mémoire de la cause palestinienne a été confisquée et instrumentalisée par le régime syrien et ses soutiens. Plusieurs séquences présentent cette instrumentalisation inscrite dans le cadre d’une institution structurée de façon hiérarchique : l’armée. Dans plusieurs séquences, visiblement filmées à la dérobée, des officiers reprennent les mythes fondateurs du régime syrien concernant son engagement en faveur de la cause palestinienne, devant des recrues de l’Armée de Libération de la Palestine qui demeurent silencieuses. N’ayant pu s’y soustraire, le réalisateur Samer Salameh y effectue son service militaire, lorsqu’il est transféré à la section théâtre militaire dans le camp de Yarmouk. Dans une séquence, il filme la transmission verticale, à travers un récit théâtral, de la mémoire de la lutte des Palestiniens pour récupérer leur terre. Dans cette séquence, le réalisateur montre comment le théâtre, lieu de création, est verrouillé à travers le même rapport hiérarchique qu’à la caserne se traduisant par un face à face qui rappelle les rangs au garde-à-vous. Dans la séquence de répétition d’une pièce de théâtre, le choix du cadrage accorde une place déterminante aux metteurs en scène par rapport aux acteurs, restant sur scène dans l’obscurité. La profondeur de champ permet de voir les superviseurs qui encadrent la pièce apparaître dans un face à face avec la troupe de jeunes, accentuant ainsi l’impression de confrontation. Dans celle-ci, les metteurs en scène, soit occupent une place centrale dans le champ de la caméra, soit ils y apparaissent seuls, éclipsant les jeunes qui restent muets et qui se trouvent relégués au rang de figurants. Les directives qu’ils assènent comme des ordres inscrivent la pièce dans un cadre qui ne supporte aucun écart – utilisation du dialecte palestinien et non damascène ou encore emploi de l’adjectif sionistes plutôt qu’israéliens – afin que sa portée politique, formulée à travers une question toute rhétorique (« quel est le message qu’on veut transmettre ? »), soit conforme à la « trame narrative immuable » de la cause palestinienne qui en est la mémoire officielle.

La contestation de cette trame ne pouvant se faire dans des lieux tenus par les soutiens du régime syrien, elle a lieu, entre autres, dans l’espace privé. Dans des pièces sombres où aucune lumière naturelle ne pénètre renforçant ainsi le côté clandestin de ces discussions, des militants critiquent l’instrumentalisation par le régime des commémorations de la Nakba, puis de la Naksa à l’occasion desquelles il a envoyé des cars de militants à l’assaut du Golan, sachant que, totalement désarmés, ils n’avaient aucune chance de réussite face aux soldats israéliens. Il conclut amèrement qu’il ne s’agissait que d’opérations de diversion pour occulter la politique de répression menée par le régime et ses soutiens à l’encontre des manifestants. La contestation de la « trame narrative immuable » prend également forme lors d’événements publics dont le contrôle échappe à leurs organisateurs. Dans la séquence des funérailles des martyrs tombés sur les hauteurs du Golan, les choix de réalisation – plans au milieu des manifestants ou en plongée – permettent de prendre la mesure de l’importance des mobilisations orchestrées par le régime pour souder la population derrière son discours. Il s’agit d’une démonstration de force où la foule qui apparaît comme indistincte entonne les différents slogans habituels relatifs à la cause palestinienne (le droit au retour ou une Palestine sans frontières). Le réalisateur peine alors à saisir les premiers éléments de contestation de la captation de la mémoire de la cause palestinienne. En effet, si un plan montre un jeune homme, juché sur les épaules d’un camarade, en train de haranguer une partie de la foule qui reprend en chœur le slogan « Le peuple veut la chute de ceux qui exploitent notre cause », on perçoit que le réalisateur, dans le plan d’après, essaie de savoir d’où provient la détonation qui claque. Sur les plans qui suivent, le cadrage permet de déceler l’inquiétude sur les visages des individus dans la foule, tout comme les mouvements brusques de la caméra, découlant de la confusion dans laquelle ces images ont été tournées, accentuent le sentiment de trouble au sein des cortèges de manifestants, tout comme ils témoignent du caractère spontané de l’incident. Moins maîtrisé que d’autres séquences du film au niveau de la prise d’images, ce passage comporte une « forme d’innocence, de spontanéité » qui caractérise bon nombre de vidéos du début du mouvement de révolte[39]. En voix-off sur cette séquence, le narrateur explicite la contestation du récit de la mémoire de la cause palestinienne à partir de la mémoire personnelle. En effet, sur ces images où les rues se sont transformées en théâtre d’affrontements entre opposants et partisans du régime, le réalisateur ajoute en voix-off que ce lieu « n’est pas seulement le siège de l’organisation palestinienne la plus inféodée au régime », mais est aussi le lieu où, pour la première fois, il est monté sur scène, avec son ami Hassan, afin de jouer leur première pièce. Jouer sa pièce, c’est-à-dire, ne plus être figurant, mais acteur ; occuper la scène, pour y tenir son récit, et se réapproprier la mémoire de la cause palestinienne, sans se contenter de répéter les sempiternels dialogues imposés par les metteurs en scène du régime.

Etre acteur, non seulement de la réappropriation de cette mémoire, mais également de l’écriture de celle du conflit en cours constitue la deuxième marque de contestation présente dans le documentaire. Dans une séquence qui contraste avec celle des funérailles, Samer Salameh et ses amis accompagnent l’un d’entre eux qui s’apprête à quitter Yarmouk. Loin de « cet état de confusion qui mêle l’euphorie à la peur et à l’incertitude » qu’on trouve dans la séquence des funérailles des martyrs, les membres du groupe, filmés en plan d’ensemble, marchent tranquillement, en dépit des détonations qui résonnent au loin, dans les ruelles désertes, au milieu des décombres. Le cadrage large contraste avec celui des séquences filmées dans l’espace privé qui se caractérisent par des plans resserrés. De même, la durée des plans confère un sentiment de communion muette entre les amis de la bande qui demeurent silencieux dans ces lieux si familiers qu’ils filment. Caméra à la main, ils saisissent des images de cet espace hautement symbolique pour la cause palestinienne qui est ravagé par le conflit et écrivent la mémoire de la lutte qui s’y déroule. Leur lente déambulation dans les décombres qu’ils filment avec soin ne se réduit pas à un simple témoignage de la répression. Dans ces lieux à l’avenir pour le moins incertain, leur (dé)marche filmique formule une tentative de réappropriation du récit du conflit à travers l’écriture de sa mémoire inscrite dans le camp de Yarmouk.      

Pour conclure, la mémoire occupe une place centrale dans bon nombre de documentaires syriens réalisés après 2011 hors des instances officielles du régime. En s’appuyant sur l’analyse des dispositifs de trois films et de certaines séquences en particulier, on constate qu’elle est à la fois une ressource et un enjeu de lutte. La mémoire – personnelle, familiale – se révèle, en tant qu’inscription du passé dans le présent, être une ressource mobilisée pour (se) représenter le conflit, y compris après le départ de Syrie. Il apparaît que ce sont dans les mémoires personnelles et familiales que les réalisateurs puisent pour construire leur film selon un régime subjectif de la durée propre à chacun des réalisateurs. S’entrechoquent ainsi des événements inscrits dans des époques historiques différentes. La mémoire également est un enjeu de lutte dans un contexte où le régime tente d’imposer un récit du conflit, découlant d’une « trame narrative immuable ». La volonté d’élaborer une mémoire du mouvement de révolte et du conflit constitue une forme de contestation du récit officiel. On comprend alors que la mémoire est mobilisée par les individus pour se forger leur propre récit du conflit, mais que ceux-ci participent également à la construction de la mémoire du conflit en général, tout en sachant qu’il s’agit d’un acte fragile.

 

 

 

Bibliographie

ADWAN Ziad, « The Anxious Ego. Syrian Documentaries in the Syrian War », A Syrious Look, novembre 2016, pp. 32-34.

BARONIAN Marie-Aude, Mémoire et image. Regard sur la catastrophe arménienne, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2013.

BAYART Jean-François, « “Dessine-moi un MENA !” ou l’impossible définition des “aires culturelles”, Sociétés politiques comparées [en ligne], no 38, janv.-avr. 2016.

Lien : http://www.fasopo.org/sites/default/files/varia1_n38.pdf

BOËX Cécile, « Taḥyâ as-sînamâ ! Produire du sens : les enjeux politiques de l’expression dans l’espace public », REMMM, vol. 115-116, 2006, pp. 231-248.

BOËX Cécile, « La création cinématographique en Syrie à la lumière du mouvement de révolte : nouvelles pratiques, nouveaux récits », REMMM, no 134, 2013, pp. 145-156.

BOËX Cécile, « Entre la vie et la mort. Images liminales de la révolte en Syrie », Les Carnets du BAL, n°8, Paris, Le Bal / Editions Textuel / Centre national d’arts plastiques, 2017, pp. 134-139.

DELLA RATTA Donatella, « The Unbearable Lightness of the Image. Unfinished Thoughts on Filming in Contemporary Syria », Middle East Journal of Culture and Communication, vol. 10, 2017, pp. 128.

DIDI-HUBERMAN Georges, Images malgré tout, Paris, Éditions de Minuit, 2003.

FIANT Antony, « Entre subjectivité et narration : la voix-off dans quelques documentaires français contemporains », Cahiers de Narratologie, [en ligne], 20, 2011, pp. 109-132. Lien : https://journals.openedition.org/narratologie/6346

FRODON Jean-Michel, « “Taste of Cement”, reflet de la guerre dans un œil noir », Slate [en ligne], 03.01.2018. Lien : http://www.slate.fr/story/155891/cinema-taste-of-cement-syrie-liban

GAUDREAULT André et MARION, Marion, « Dieu est l’auteur des documentaires… », CiNéMAS, 4 : 2, hiver 1994, pp. 12-26.

KRISTENSEN Stefan, « Le montage impossible (de la mémoire). Marie-Aude Baronian, Mémoire et image. Regards sur la catastrophe arménienne », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [en ligne], vol. 75, 2015.

Lien : http://journals.openedition.org/1895/4990

LEPERLIER Tristan, Algérie, les écrivains dans la décennie noire, Paris, CNRS Édition, 2018.

MAILLOT Pierre, « L’écriture cinématographique de la sociologie filmique. Comment penser en sociologue avec une caméra ? », La nouvelle revue du travail [en ligne], no1, 2012.

Lien : http://journals.openedition.org/nrt/363

PAPAKONSTANTIS Achilleas, « Taste of Cement (Ziad Kalthoum, 2017) ou le goût d’un engagement en demi-teinte », Décadrages, no 39, Automne 2018, p. 143.

PHAY Soko, « L’image manquante de Rithy Panh. Le cinéma comme expérience de l’Histoire », Écrire l’histoire, vol. 13-14, 2014.

 

 

Abstract: In Syrian cinematographic creation – essentially documentary – which escapes the control of the regime, memory occupies an important place in the representation of the conflict that tears the country apart. Drawing from three Syrian documentary films shot after 2011 – Houses without Doors, 194, us children of the camp and The Taste of Cement –, we will put into perspective how the memory of one side is mobilized as a resource of representation of the conflict, including after leaving Syria, and, on the other hand, is an issue to reclaim the story of this conflict, in a context where the regime seeks to impose his.

 

Keywords : Syria – documentaries – conflict – memory – post-2011.

 

ملخص

تحتل الذاكرة في الأعمال السينمائية السورية، خاصة الوثائقية منها، والتي نفذت بعيداً عن سيطرة النظام، مكانة هامة في التعبير عن الصراع الذي يمزق البلاد. ومن خلال ثلاثة أفلام وثائقية نفذت مابعد ٢٠١١ - "منازل بلا أبواب"، "١٩٤ نحن أطفال المخيم" و "طعم الاسمنت"- سنسلط الضوء على الذاكرة التي يستحضرها المخرج لتكون من جهة وسيلته للتعبير عن الصراع، وذلك حتى بعد تركه للبلاد، ولكي تشكل من جهة أخرى رهانا لاستعادة سرد الصراع في حين يعمل النظام على فرض روايته.

 

 

كلمات بحث :

 

سوريا، أفلام وثائقية، صراع، ذاكرة، ما بعد ٢٠١١                      

 

Notice biographique : Nicolas Appelt est assistant-doctorant à l’Unité d’arabe et au Global Studies Institute (Université de Genève). Il a rédigé plusieurs articles sur les films documentaires syriens de l’après 2011 dont « Réappropriation du récit de la révolte dans les documentaires syriens d’après 2011 » (Sociétés politiques comparées, 2018) et « Un cinéma affranchi du contrôle de l’Etat » (Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 2018).

 

 

 

 

[1] BARONIAN Marie-Aude, Mémoire et image. Regard sur la catastrophe arménienne, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2013, p. 24

[2] Ibid.

[3] LEPERLIER Tristan, Algérie, les écrivains dans la décennie noire, Paris, CNRS Édition, 2018, p. 210

[4] Ibid.

[5] MAILLOT Pierre, « L’écriture cinématographique de la sociologie filmique. Comment penser en sociologue avec une caméra ? », La nouvelle revue du travail [en ligne], no1, 2012, p. 40. Lien : http://journals.openedition.org/nrt/363 (consulté le 10 janvier 2019)

[6] Houses without Doors a été montré à l’édition 2018 de la « documenta » (Kassel et Athènes), considérée comme l’événement le plus important dans l’art contemporain.

[7] BOËX Cécile, « Taḥyâ as-sînamâ ! Produire du sens : les enjeux politiques de l’expression dans l’espace public », REMMM, vol. 115-116, 2006, p. 243-245

[8] ADWAN Ziad, « The Anxious Ego. Syrian Documentaries in the Syrian War », A Syrious Look, novembre 2016, p. 33-34

[9] FIANT Antony, « Entre subjectivité et narration : la voix-off dans quelques documentaires français contemporains », Cahiers de Narratologie, [en ligne], 20, 2011, p. 2. Lien : https://journals.openedition.org/narratologie/6346 (consulté le 23 décembre 2018)

[10] GAUDREAULT André et MARION Philippe, « Dieu est l’auteur des documentaires… », CiNéMAS, 4 : 2, hiver 1994, p. 24

[11] FIANT Antony, « Entre subjectivité et narration : la voix-off dans quelques documentaires français contemporains », art. cit., p. 2

[12] BARONIAN Marie-Aude, Mémoire et image. Regard sur la catastrophe arménienne, op. cit., p. 124

[13] BAYART Jean-François, « “Dessine-moi un MENA !” ou l’impossible définition des “aires culturelles”, Sociétés politiques comparées [en ligne], no 38, janv.-avr. 2016, p. 25. Lien : http://www.fasopo.org/sites/default/files/varia1_n38.pdf (consulté le 23 décembre 2018)

[14] Ibid.

[15] PHAY Soko, « L’image manquante de Rithy Panh. Le cinéma comme expérience de l’Histoire », Écrire l’histoire, vol. 13-14, 2014

[16] KRISTENSEN Stefan, « Le montage impossible (de la mémoire). Marie-Aude Baronian, Mémoire et image. Regards sur la catastrophe arménienne », 1895. Mille huit cent quatre- vingt-quinze [en ligne], vol. 75, 2015. Lien : http://journals.openedition.org/1895/4990 (consulté le 19 décembre 2018)

[17] BOËX Cécile, « Entre la vie et la mort. Images liminales de la révolte en Syrie », Les Carnets du BAL, n°8, Paris, Le Bal / Editions Textuel / Centre national d’arts plastiques, 2017

[18] Ibid.

[19] PHAY Soko, « L’image manquante de Rithy Panh. Le cinéma comme expérience de l’Histoire », Écrire l’histoire, art. cit., p. 161

[20] BOËX Cécile, « Entre la vie et la mort. Images liminales de la révolte en Syrie », art. cit.

[21] Ibid.

[22] DIDI-HUBERMAN Georges, Images malgré tout, Paris, Éditions de Minuit, 2003, p. 30

[23] Ibid., pp. 48-49

[24] PHAY Soko, « L’image manquante de Rithy Panh. Le cinéma comme expérience de l’Histoire », Écrire l’histoire, art. cit., p. 160

[25] Ibid.

[26] BOËX Cécile, « La création cinématographique en Syrie à la lumière du mouvement de révolte : nouvelles pratiques, nouveaux récits », REMMM, no 134, 2013, p. 155

[27] DELLA RATTA Donatella, « The Unbearable Lightness of the Image. Unfinished Thoughts on Filming in Contemporary Syria », Middle East Journal of Culture and Communication, vol. 10, 2017, p. 128.

[28] Ibid.

[29] BARONIAN Marie-Aude, Mémoire et image. Regard sur la catastrophe arménienne, op. cit., p. 19

[30] DELLA RATTA Donatella, « The Unbearable Lightness of the Image. Unfinished Thoughts on Filming in Contemporary Syria », art. cit., p. 129

[31] BARONIAN Marie-Aude, Mémoire et image. Regard sur la catastrophe arménienne, op. cit., p. 45

[32] PHAY Soko, « L’image manquante de Rithy Panh. Le cinéma comme expérience de l’Histoire », art. cit., p. 163

[33] PAPAKONSTANTIS Achilleas, « Taste of Cement (Ziad Kalthoum, 2017) ou le goût d’un engagement en demi-teinte », Décadrages, no 39, Automne 2018, p. 143

[34] Ibid.

[35] FRODON Jean-Michel, « “Taste of Cement”, reflet de la guerre dans un œil noir », Slate [en ligne], 03.01.2018. Lien : http://www.slate.fr/story/155891/cinema-taste-of-cement-syrie-liban (consulté le 4 janvier 2018)

[36] PAPAKONSTANTIS Achilleas, « Taste of Cement (Ziad Kalthoum, 2017) ou le goût d’un engagement en demi-teinte », art. cit., p. 143-144

[37] Ibid., p. 146

[38] PAPAKONSTANTIS Achilleas, « Taste of Cement (Ziad Kalthoum, 2017) ou le goût d’un engagement en demi-teinte », art. cit., p. 143.

[39] BOËX Cécile, « Entre la vie et la mort. Images liminales de la révolte en Syrie », art. cit.